La rébellion a un gros coup de mou. Certes
cela fait bien longtemps que les têtes de mort et autres symboles de
révolte sont passés dans le camp ennemi. Les gamines des beaux quartiers
qui gambadent dans des pulls ornés de
têtes de mort en strass : voilà qui donne depuis un temps certain une
migraine de déprime aux vieux résistants du punk agonisant. Sans compter
les analphabètes musicaux qui déambulent en pull ou tee-shirt orné du
crâne si particulier, emblème du groupe punk-rock de légende The
Misfits. Moins de 1 % de ces jeunes gens en phase dite de rébellion (on
les a privés de poney ? On a confisqué leur iPhone 5 ?) est capable de
citer un titre de ces musiciens authentiquement énervés. Cette
usurpation a pris cet hiver une ampleur inouïe, grâce, paradoxalement,
au retour en grâce du punk. Pas de la musique ou de ce que l'on peut
aller jusqu'à qualifier de philosophie (plus personne ne veut la peau de
la reine, tout le monde veut un futur) : mais de ses signes extérieurs.
Après le "consommez responsable" des écolos, voici le "consommez mais
faites comme si vous étiez jeunes et rebelles" martelé par des
profiteurs cyniques plus ou moins convaincants. Certes, parmi les
adeptes du recyclage de tête de mort, tout le monde n'est pas à loger à
la même enseigne. En vrai rebelle de cette industrie policée du style,
l'Anglais Alexander McQueen (longtemps affublé de l'étiquette de
"hooligan") s'était emparé de la tête de mort dès le début de sa
carrière pour la semer sur des foulards, des tee-shirts et des bijoux.
La plupart des adeptes du moment, surtout ceux qui ont passé la barre
des 35 ans, ont des motivations superficielles limitées à l'effet mode
et strictement décoratif de ce motif. Appelons cela le "syndrome Avril
Lavigne". Il touche sévèrement des personnes n'ayant jamais montré de
véritable intérêt pour le rock ou le style vestimentaire qui va avec
mais qui décident soudain de donner une suite à leur crise
d'adolescence. Laquelle, comme toutes les "sequels", n'aura jamais la
saveur de l'originale.
Et puis cela pourrait être pire : à ce stade de régression, on n'est plus très loin d'une crise de "Hello Kitty".
Source: lemonde.fr
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